Renversement d’un véhicule de transport de concentrés uranifères d’AREVA au Bénin

Nécessité de renforcer la sécurité des transports de matières radioactives

 

 Nous reproduisons ici une note technique de la Criirad en date du 15 février 2017 :

 

Accident d’un véhicule de transport de concentrés uranifères

 

Les filiales d’AREVA au Niger exploitent des mines d’uranium dans la région d’Arlit et expédient les concentrés uranifères par camion jusqu’au port de Cotonou au Bénin

Le dimanche 12 février 2017, un camion transportant des containers de concentrés uranifères s’est renversé à Dassa-Zoumé au Bénin.

Selon la presse locale, le véhicule accidenté n’a été relevé par une grue que mardi soit près de 48 heures après l’accident.

Voir l’article de France 24 : http://observers.france24.com/fr/20170214-benin-camion-immobilise-dassa-zoume-uranium-inquietude-benin

Sollicitée par monsieur Clément Kotan, président de l’ONG Béninoise “Unité de Protection de l’Environnement”, pour donner un avis concernant les risques liés à ce type d’accident, la CRIIRAD a fourni les commentaires suivants :

 

Forte radioactivité des concentrés uranifères

 

Les concentrés uranifères présentent une radioactivité importante du fait de la forte teneur en uranium naturel. Selon les cas, l’activité massique de l’uranium 238 peut être de 7,4 à 9,5 millions de becquerels par kilogramme .

En fonction du temps écoulé depuis la fabrication du produit, le taux de régénération du thorium 234 et du protactinium 234m, et la présence de l’uranium 234, font que la radioactivité totale des concentrés uranifères peut être de 14 à 38 millions de becquerels par kilogramme alors que l’activité naturelle typique de l’écorce terrestre est de l’ordre du millier de Bq/kg.

L’uranium et ses descendants émettent principalement des rayonnements alpha, bêta et gamma.

 

Risques liés à l’exposition externe par les rayonnements gamma

 

Les rayonnements gamma étant très pénétrants, ils traversent en partie le métal des fûts et des containers et exposent les personnes à des radiations, dans un périmètre de plusieurs mètres, voire plusieurs dizaines de mètres autour des chargements.

On reste dans le domaine des faibles doses, certes, mais avec une exposition non négligeable en fonction du temps de présence.

Les chiffres communiqués par AREVA-Niger, il y a quelques années, faisaient état :

  • d’un débit de dose gamma au contact de camions de transport de concentrés uranifères de 12 à 19 microSieverts par heure, soit des valeurs 60 à 190  fois supérieures à la radioactivité naturelle classique,

  • avec des valeurs de 1,2 à 4,7 microSieverts par heure à 2 mètres des camions soit des valeurs encore 6 à 47 fois supérieures à la normale.

Ces valeurs sont certes compatibles avec les normes internationales sur le transport des matières radioactives, mais la CRIIRAD dénonce1 depuis des années le caractère insuffisamment protecteur de la santé humaine de ces normes.

Ce phénomène de l’exposition aux radiations gamma lorsque l’on s’approche de fûts ou de containers de concentrés uranifères est illustré par les mesures effectuées par la CRIIRAD, sur une autoroute, en France, au moment de doubler un camion transportant de tétrafluorure d’uranium entre l’usine AREVA de Malvesi (près de Narbonne) et les installations du Tricastin. L’usine AREVA de Malvesi a pour vocation de transformer les concentrés uranifères en UF4.

https://www.youtube.com/watch?v=0eBICCIbsWA&index=2&list=PL3IbOGKW-BxbsYB1pHkNhTkBZM4MsbbdC

 

On constate dans cette vidéo, la forte augmentation du taux de radiation gamma (exprimé en coups par seconde) lorsqu’on s’approche du véhicule.

Ceci est illustré également par les mesures du taux de radiation gamma lorsque l’on s’approche de l’usine AREVA de Malvesi, qui centralise les futs de concentrés uranifères.

https://www.youtube.com/watch?v=Ay5-r9stF_s

 

Afin de limiter l’exposition des personnes, il est donc pertinent de mettre en place un périmètre de sécurité de plusieurs mètres, voire plusieurs dizaines de mètres en fonction de la radioactivité du chargement. Les photographies de l’accident du 12 février 2017 ayu Bénin ne font pas apparaitre de périmètre de sécurité.

Voir l’article de France 24 :

http://observers.france24.com/fr/20170214-benin-camion-immobilise-dassa-zoume-uranium-inquietude-benin

 

Risques liés à la contamination interne

 

Le risque le plus important dans ce type d’accident est celui de la dissémination de matière radioactive dans le cas où le container serait éventré. Car, dans ce cas, il y a un risque de contamination interne par ingestion et inhalation de poussières radioactives.

Selon les informations officielles, les containers seraient restés étanches. Afin de le vérifier, la CRIIRAD a recommandé à l’ONG :

  • de se rendre sur le terrain pour effectuer des mesures de radioactivité au contact du sol ou vérifier visuellement si on observe la présence d’uranate (couleur spécifique).

  • D’obtenir copie du document de contrôles radiologiques effectué par AREVA ou les autorités à l’issue de cet accident.

Cet accident rappelle qu’il est nécessaire de sensibiliser les élus et la population sur le fait de toujours rester à distance des véhicules de transport de concentrés uranifères, clairement identifiables par le symbole de la radioactivité, visible sur la photographie ci dessous :

Source : article de France 24 http://observers.france24.com/fr/20170214-benin-camion-immobilise-dassa-zoume-uranium-inquietude-benin

 Il est important également d’améliorer la sécurité des transports de matières radioactives .

En ce qui concerne les chargements de concentrés uranifères d’AREVA qui quittent ARLIT au Niger, monsieur Almoustapha ALHACEN,  président de l’ONG AGHIRIN’MAN à ARLIT, a tiré la sonnette d’alarme il y a plusieurs années, dénonçant le mauvais entretien des véhicules et de la chaussée, ainsi que la vitesse excessive des véhicules et le manque de formation des chauffeurs.

Voir page 11 du rapport CRIIRAD de 2008 : “AREVA : Du discours à la réalité / L’exemple des mines d’uranium du Niger” :http://www.criirad.org/actualites/dossiers2005/niger/liens_pdf/Note_Criirad.pdf

 

Rédaction : Bruno CHAREYRON, ingénieur en physique nucléaire, directeur du laboratoire de la CRIIRAD

Contact : bruno.chareyron@criirad.org